|
COLBERT DISCULPÉ
de toute charge dans le procès du déclin de l'astrologie en France
mots cles, keywords :colbert,declin astrologie,halbronn, jacques halbroon, morin de villefranche,
Colbert est-il ou non responsable du déclin de l'astrologie en France? A cette question ainsi qu'à celle plus générale des phases récurrentes de décadence, et de dégénérescence de l'astrologie, Jacques Halbronn apporte des éléments nouveaux, faisant suite à une précédente analyse parue en 1997, posant un premier diagnostic. D'autres penseurs, Patrice Guinard, et Serge Bret Morel, le philosophe de l'astrologie se sont aussi intéressés à ce sujet, au moment où la discipline s'étiole à nouveau.
par claude thebault, Kaunas
Le 17 février 2013, le penseur et responsable du site téléprovidence.com, Jacques Halbronn, publiait une nouvelle contribution, suite à son étude parue en 1997, dans l’édition N°11 de Politica Hermética aux Éditions l’Âge d’Homme, sous l’intitulé «l’empire déchu de l’astrologie au XVIIe».
Le lecteur à ce stade envisage de tourner la page, renonçant à poursuivre sa lecture, en se demandant en quoi une analyse concernant le XVIIe siècle pourrait l’intéresser et surtout quel lien avec l’actualité de 2013 ? Justement Jacques Halbronn donne les lignes, utiles à la comparaison entre deux phases de déclin de l’astrologie à 4 siècles d’écart.
Son propos est instructif. Dans son billet du 17 février Jacques Halbronn rappelait les conditions dans lesquelles fut crée l’Académie des Sciences en France sous le siècle de Louis XIV. L’occasion pour lui de rappeler que contrairement à une légende entretenue par les astrologues, Colbert ne saurait être suspecté de leur avoir nui. En effet, la fameuse ordonnance de 1666 interdisant l’astrologie n’a jamais existé.
Astroemail fit de son côté des recherches poussées, d’autant plus facilement que l’on accède aux sommaire des textes, édits et autres dispositions de l’époque.L'édit de 1666? Aucune trace nulle part. Ni référence dans d'autres textes. C’est ainsi que l’on trouve dans Le Traité des Matières Criminelles toutes les réglementations et lois de l’époque, et notamment l’Edit de Louis XIV de juillet 1682, enregistré le 31 août ordonnant aux astrologues de «vider le royaume» sans autre forme de procès ou figure de procédure.
Autrement dit les expulsions ordonnées par Mme Edith Cresson premier ministre socialiste en 1990, contre les sans papiers. Sarkozy contre les roumains président de 2007 à 2012. Valls, es qualité de ministre socialiste de l’intérieur montrent la longue tradition de l’expulsion manu militari, sous tous les régimes politiques en France. Louis XIV emprisonnait les bohémiens, les condamnant aux galères où ils périssaient.
Politica Hermetica 1997

en tête du billet de Jacques Halbroon 17 février 2013
Une journaliste faisant observer que « les expulsions prouvent bien l’animosité du ministre contre les charlatans », on lui opposera la fine remarque de Jacques Halbronn, selon laquelle l’Académie des Sciences accueillit en son sein l’astronomie, dont les publications, nonobstant l’ordre du Roi, imprimait des éphémérides à l’usage des astrologues jusqu’en 1743.
- « Dans le dossier concernant les rapports de l’Académie des Sciences à l’astrologie depuis sa fondation jusqu’à la découverte de Herschell en 1781, on ne saurait négliger le contenu des Ephémérides publiées sous l’égide de la dite Académie » JH 17/02/2013.
Et Halbronn de donner d'autres exemples, citons-en deux :
- Encore en 1703, un certain De Beaulieu signe des Ephémerides des mouvemens celestes depuis l’an 1703 iusqu’en 1714 Paris, Guillaume Valleyre, 1703 Ars 4 ° SA 3252 dont le « Second Avantage des Ephemerides » est largement consacré à l’astrologie.
- On observera ainsi que jusqu’en 1734, date du dernier volume de Desplaces, l’Académie Royale des Sciences avait peu ou prou admis implicitement que certaines de ses publications pouvaient servir aux astrologues.
Halbronn note que le remplacement de De La Lande par l’abbé de La Caille à partir de 1740 s’accompagnait d’un accès au contenu des Éphémérides moins aisé. Au motif que désormais l’usage et l’emploi des tables nécessitaient des connaissances astronomiques que la plupart, si ce n’est la majorité, des praticiens ne possédaient alors. Plus clairement pendant 30 ans De La Lande, par un effet que l’on qualifierait de générationnel publiait des documents en phase avec le public vieillissant et moins formé d’une époque. Le changement de responsable à l’Académie des Sciences, laquelle commandait deux séries d’études, l’un sur la Connoissance des Tems, l’autre les Ephémérides des mouvemens célestes marquait aussi une évolution des savoirs, hors de la maîtrise des astrologues de l’époque. En somme un sérieux, et irréversible, décrochage intellectuel.
Halbronn relève dans l’édition de 1729 de la Connoissance des temps (…) publiée par ordre de l’Académie Royale des Sciences » ( Bib. Arsenal 8°S 12638) l’impression, pour la première fois d’un avertissement hostile à l’astrologie et aux astrologues : « On ne trouvera icy aucunes predictions parce que l’Académie n’a jamais reconnu de solidité dans les regles que les Anciens & les Modernes ont données pour prévoir l’avenir par les configurations des astres » (Avertissement ; p. 7)
Rappel d’une position de principe, déjà énoncée par Louis XIV en 1682, 40 ans auparavant dans son Edit : « sous prétexte d’horoscopes et de divinations et par le moyen des prestiges, des opérations, des prétendues magies et autres illusions semblables, dont ces sortes de gens ont coutume de se servir, ils auraient surpris diverses personnes ignorantes ou crédules qui s’étaient insensiblement engagées avec eux, en passant des vaines curiosités aux superstitions et des superstitions aux impiétés et aux sacrilèges.. »
Halbronn cite aussi que l’on trouvait jusqu’en 1744 dans les documents publiés par l’Académie des Sciences, des représentations relatives aux ingrès du Soleil dans les signes du zodiaque : « Les « figures celestes » que Desplaces dresse, pour l’entrée du soleil dans chacune des saisons, constituent de véritables « thèmes » incluant planétes, signes et maisons.
En ce qui concerne les 4 « figures célestes », Desplaces sait très bien ce qu’il en est :
« On a mis les Thèmes Celestes pour l’entrée du Soleil dans les premiers points des signes Bélier, Cancer, Balance, Capricorne [il se sert des glyphes correspondants]. Pour la satisfaction de ceux qui aiment ces sortes de choses, ils en feront tels usages qu’il leur plaira ; comme ces Themes celestes sont dans toutes les autres Ephemerides, on a jugé à propos de les mettre dans celles-cy qui n’auraient pas été complètes, suivant le sentiment de quelques personnesn,sans cela & c’est tout ce qu’il y aura d’Astrologie dans ces Ephemerides » (Usages des ephémerides,Seconde partie, 1716, p. 39)
Ainsi donc la preuve est apportée, que l’Académie Royale des Sciences, nonobstant l’injonction, et l’ordre sans équivoque du monarque, fait aux astrologues de vider les lieux, continuait de leur servir les outils indispensables à «leur coupable commerce effroyable ».
A la fin de son billet Jacques Halbronn note que l’incapacité des astrologues à se servir des nouvelles données astronomiques se traduisit par une dégénérescence des pratiques, le recours aux divinations par la numérologie, la tarologie et autres, pendant environ un siècle, jusqu’à ce que Mlle Lenormand, citée par Halbroon, soit en mesure à partir de 1840 de leur fournir des tables pour dresser les thèmes.
Dans son étude, parue en 1997, Jacques Halbronn listait quelques éléments expliquant le déclin intellectuel de l’astrologie en France. Notamment le fait que la principale figure de l’époque Morin de Villefranche commit l’erreur irréparable d’écrire ses traités en latin. A une époque où les connaissances paraissaient en français usuel. Il se coupa de l’élite rendant totalement hermétique ses considérations à la connaissance des générations futures. C’est ainsi qu’au XXe siècle on assista à la publication des écrits de Morin traduits, mais trop tard, et de toute façon perdues. Même si on relève actuellement au Canada, une de ses élèves tardives en la personne de Melanie Joy, du CAAE, exerçant dans l’Ontario selon sa méthode. Souhaitons qu’elle publie un jour des notes sur son expérience professionnelle, en langage accessible et non crypté.
Halbronn observait aussi que Morin se montra incapable d’intégrer les avancées astronomiques de son époque, notamment les lois de Kepler, qu’il ne sut les comprendre, et qu’il anima des polémiques inutiles préjudiciant à son œuvre comme à son travail.
Halbronn avance une explication intéressante, en ce qu’il considère qu’au XVII siècle, l’astrologie servait de justification à toute une série de phénomènes, ou de situations encore mal connues et analysées. Et qu’au fur et à mesure de l’approfondissement des savoirs, le domaine de l’astrologie rétrécissait comme une peau de chagrin, jusqu’à se retrouver vide de tout contenu. C’est un procédé couramment employé, ainsi en physique, dans Le Grand Roman de la physique quantique, Manjit Kumar rappelle que la Théorie des Quanta de lumière d’Einstein avait été accueillie par la communauté scientifique en 1910 comme « une fiction d’utilité strictement pratique, conçue pour faciliter les calculs » (page 86).
Il y a lieu de croire qu’aux XVIe et début du XVIIe siècles, l’astrologie joua le rôle d’une fiction d’utilité pratique, à l’intersection de plusieurs domaines de connaissances, jusqu’à ce que celles-ci s’affirment enfin. Les législations répressives ne sauraient en elles-mêmes expliquer le recul de l’astrologie puisqu’il cite les ordonnances de 1560, 1579, 1628 et 1682, aux effets limités. Les publications de l’Académie des Sciences en apportant la preuve jusqu’en 1743 au moins.
Halbronn posait la question du déclin de l’astrologie par la crise de son savoir. La rupture de la discipline avec l’astronomie la privait de ses bases réelles. Les éphémérides. Le refuge dans la divination pure la vouait à la dégénérescence des croyances. Les pratiques de l’époque pervertissaient la discipline par diverses formes de corruption. A cela s’ajoute la disparition des penseurs, Morin scellant son expérience dans le latin. Aucune figure ne le remplaçant après son décès. Absence de publication de Traités, une vie intellectuelle animée par des traductions d’ouvrages attribués à Ptolémé, dont on commence de nos jours à avoir les preuves qu’il n’aurait jamais écrit la Tétrabible. Mais au XVIIe la traduction de ce texte contribua à intoxiquer les mentalités d’erreurs consignées par les arabes.
Avec le recul, on se rend compte d’un décrochage intellectuel à une époque charnière de l’évolution des connaissances en France, s’accompagnant d’une absence de renouvellement des idées et des hommes. Telle serait l’explication du déclin de l’astrologie, attribuée à tord à Colbert, alors que d’autres causes rendent compte d’un phénomène, à peu près similaire, que l’on observa lorsque l’Occident tomba sous la coupe de la secte des Chrétiens à partir de 325 couplé avec la disparition des auteurs grecs classiques.
Depuis la fin du XXe siècle, et le début du XXIe, on observe un nouveau déclin de l’astrologie, pour des motifs liées eux aussi à l’inadaptation aux connaissances nouvelles, à la prolifération de pratiques mélangeant des genres incompatibles entre eux, mais aussi au fait que l’impulsion donnée par Charles Barlet à la fin du XIXe, à la refondation de la discipline, s’abstint de toute remise en cause des bases du dogme.
Le Xxe siècle s’accompagna d’une diffusion médiatique exceptionnelle, donnant lieu selon l’expression de Patrice Guinard à une «perverse synthèse de l’irrationnel et du rationnel». Les sociologues estimant que les astrologues sont des «inadaptés sociaux», en somme des sociopathes, ayant des revanches à prendre sur leurs origines sociales de très basse extraction.
Un constat, en partie seulement, corroboré par les écrits du philosophe de l’astrologie Serge Bret Morel, sur sa typologie des publics de l’astrologie, via son site l’astrologie et la raison.net.
Et les éditeurs de médias, des affairistes ayant livré au public, contre argent, une masse de publications liée à des pratiques, sans les calibrer, ni les distinguer, ou les classer. Du vrac, faites-en l’usage que vous voudrez.
On ajoutera que comme au XVIIe siècle aucune figure intellectuelle ne s'est détachée au XXe siècle. Le seul auteur de Traité au XXe siècle s’enferra dans le maintien d’une Tradition dépassée, sans avoir eu la capacité de refondre les concepts pour les adapter aux temps nouveaux. En 2000 on raisonnait encore comme 25 siècles auparavant en fonction de la "quadruple racine de toute chose" édictée par Empédocle d’Agrigente. Et l’on trouve des professionnelles, de radio notamment, s’intronisant scientifiques, en n’ayant de science que l’ombre de ce mot, et d’expertise que celle de leur ignorance, expliquant à tous que l’espace composé d’atomes et de vide serait en réalité constitué d’eau, d’air, de feu, et de terre. Une suite d'inépties qualifiées ensuite de principes vitaux, alors que la vie provient des briques d'adn.
A nouveau, comme au XVIIe siècle, le contenu de la discipline se pose, entre observation du ciel réel, et divagations sur le ciel fictif ou le virtuel.
Les Uns croient à la révolution Solaire et cela fait les affaires financières de Ciro Discepolo en Italie. Les autres se vouent au sidéral et cela arrange les intérêts d’un pays émergent comme l’Inde, accessoirement exportateur de ses croyances avec l’Ayurveda. Il ne reste plus personne pour observer les faits réels dès lors que prolifère l’astrologie des contes de fées.
Merci à Jacques Halbronn, Patrice Guinard, et à Serge Bret Morel de leurs lumières, alors que ces penseurs, tous dotés d’un bagage en études supérieures, évoluent chacun dans des disciplines différentes, comme leurs avis, analyses et opinions.
Rendons la décision alors en vidant le délibéré :
Par ces motifs, le prévenu Jean Baptiste Colbert, injustement poursuivi, à travers les siècles, est définitivement relaxé des préventions retenues à son encontre d’avoir causé le déclin de l’astrologie en France.
Met en conséquence les dépens de la procédure à recouvrer à la charge exclusive des astrologues et de l’astrologie.
claude thebault
éditeur d'Astroemail
02/13
|
|